M’mah, fille martyre vois-tu l’émoi que tu suscites après coup?
Vois- tu l’indignation collective attisée par l’ignominie que tu as subie?
Pourquoi a-t-il fallu que tu sois meurtrie dans ta chaire pour que le viol devienne une cause qui parle à tous?
Comme si tu avais choisi de sacrifier ton âme pour que d’autres n’aient plus a le subir.
Et pourtant, je sais que tu n’as jamais choisi cela.
Tu avais des rêves…Des rêves d’accomplir des belles choses au sein de ta communauté, afin que ta mère, ta vieille grand-mère et ton père soient fières toi.
Malheur, un faux disciple d’Hippocrate a précipité ton départ dans le royaume du silence ; toi si jeune, si pleine de vie.
En allant ce jour chez ce médecin, que dis-je ce charlatan, tu ne te doutais point qu’il allait te sacrifier à l’autel de ses désirs malsains.
Il aura fallu que des médecins te prennent pour cobaye pour qu’on s’intéresse à ces cliniques de la mort !
Certains préfèrent te faire porter la responsabilité de ton viol, pour minimiser la culpabilité de tes lugubres bourreaux : « elle l’a cherché », disent ces sans cœurs.
Moi, je sais que tu es une énième victime d’un sujet tabou qui fait trop de violence.
Tu rêvais de te marier, d’avoir des enfants avec celui que tu as choisi, les voir grandir et
appeler ton cher père : « grand père » !
Il t’a violé et enceinté, comme si cela ne lui suffisait pas comme bêtise, il t’a aussi charcuté pour tenter de cacher sa forfaiture. Malheur, ton père ne pourra même pas se consoler sur ta progéniture.
Ton martyr sous les mains souillées de tes bourreaux, trois interventions chirurgicales dans des conditions dignes d’un film d’horreur auront au moins servi à ouvrir les yeux des autorités sur les cliniques assassines qui poussent comme des champignons à Conakry?
D’autres diront que tu aurais dû aller dans une structure digne de ce nom pour te soigner. Mais toi et moi, on sait que tu n’en avais pas les moyens, tout comme les 80% de tes concitoyens qui sont livrés à tout quidam qui décide qu’une simple pancarte sur une chambre de fortune donne le droit de disposer de la vie d’autrui.
Quand tu acceptais de t’allonger sur cette table, tu ne savais pas que ce médecin te soumettait à ses envies de violeur.
Pauvre M’mah, sept interventions chirurgicales en plus et quand même succomber à une septicémie, quelles atroces souffrances ! Des RIP ont fleuri les réseaux sociaux en ton nom !
Était-ce ton rêve d’être une martyre?
As-tu demandé à ce que ta vie soit exposée au monde entier?
Était-ce ton souhait de voir des cagnottes en ligne portant ton nom?
Toi et moi on sait que tout ce que tu voulais était de rendre fier ce père qui n’a jamais quitté ton chevet.
Je sais, oui je suis certaine que tout ce que tu souhaitais était une vie heureuse auprès de tes proches.
Quand tu t’es rendue dans cette clinique ce jour, tu pensais seulement à ce que tu allais faire le lendemain, lorsque ce petit malaise que tu ressentais depuis quelques jours serait passé.
Oui, parce que tu croyais qu’un médecin t’y accueillera et te donnera de quoi te sentir mieux.
M’Mah, aujourd’hui tu n’es plus. Nous pleurerons ta disparition, et espérons qu’elle va sonner le glas de ce fléau ravageur qu’est le viol. Va en paix !
Hommage rendue par Diaraye DIALLO Directrice du BE-MEMAV